Portrait de patiente : Lise Houle

Alors que mon conjoint relevait d’un cancer du rein, que mon père venait de décéder des suites d’un cancer fulgurant et que ma mère avait reçu un diagnostic d’Alzheimer, quelques années plus tôt, j’apprenais du même souffle que j’étais diabétique type 2 à la suite d’un prélèvement sanguin de routine. Quel mauvais timing ! Maintenant, je devais apprendre à vivre avec le diabète, une maladie dont on ne guérit pas ! Un choc de plus, accompagné de beaucoup de frustrations, en un mot, cette annonce venait bouleverser encore plus mes repères. 

Mon père décédé et ma mère en fin de vie, je n’avais vraiment pas besoin de cette nouvelle tuile ! Heureusement pour moi, au cours des dernières années, mon médecin de famille et moi ayant su développer un lien de confiance et voyant mon désarroi à l’annonce de cette maladie, m’a suggéré de prendre du recul par rapport à cette nouvelle situation et de me concentrer sur ce qui m’était le plus cher, soit de bien accompagner ma mère dans ses derniers moments. 

Le fait de me distancier de ma maladie, m’a permis de réévaluer mes priorités et d’apprendre à avancer à un nouveau rythme avec l’aide de mon équipe de soins afin de me permettre de mieux gérer le diabète, un pas à la fois ! Bien que le diabète demeure un combat de tous les jours, j’ai su mettre à profit les connaissances acquises auprès des différents intervenants, de façon à ce que je puisse dire que grâce à mes efforts et ma rigueur, je contrôle mon diabète et ma médication est au minimum. 

Mon intérêt à devenir une patiente partenaire de mes soins s’est développé au cours des années. D’aussi loin que je me rappelle, j’ai toujours voulu comprendre la maladie de mes proches afin d’être mieux outillée pour bien les accompagner et surtout les aider à faire des choix éclairés, si limités soient-ils. C’est pourquoi il est normal pour moi de m’impliquer dans ma maladie. Pour moi, il était important que mon équipe de soins comprenne qui je suis et surtout le contexte de vie dans lequel j’évolue afin que le plan de soins proposé corresponde à ma réalité. Je réalise également que toutes ces expériences personnelles m’ont appris à être plus résiliente face aux événements de la vie.

Faire la différence

Pendant toutes mes années d’accompagnement auprès de ma mère, j’ai été habitée par une conviction, soit d’être non seulement la voix de ma mère, mais aussi de ceux et celles qui avaient de la difficulté à se faire entendre. Je me suis impliquée bénévolement comme représentante de membres de famille dans différents comités du milieu de l’hébergement. Après le décès de ma mère, il me fallait trouver un moyen de rendre ces dernières années positives et productives, en un mot faire la différence !  

Forte de mes connaissances acquises dans la gestion de ma santé personnelle et comme proche aidante auprès de mon conjoint et de mes parents, en 2013 j’ai décidé de m’impliquer à titre de patiente ressource et coach dans différents comités opérationnels, tactiques et stratégiques en lien avec le partenariat de soin et services de ma région.  

À titre d’exemples, j’ai révisé des feuillets diffusés auprès des patients afin d’en évaluer la compréhension. J’ai partagé mes savoirs expérientiels en tant que diabétique avec différents groupes d’intervenants et de professionnels impliqués dans le domaine des maladies chroniques.  J’ai accompagné des conseillères à la direction de la qualité afin de promouvoir l’approche de partenariat auprès de différentes équipes de soins.  J’ai participé à un atelier de formation avec des professionnels de la santé portant sur les niveaux de soins en contexte de maladie chronique et de fin de vie.  À la suite de cette formation, j’ai eu la chance de co-animer avec une infirmière et une intervenante sociale pour qui le patient tenait une place privilégiée. Chaque formation était l’occasion d’un temps d’échange d’expériences personnelles et professionnelles, de réflexions et d’analyses de leurs pratiques.  

J’ai également participé à un groupe de travail multidisciplinaire, dont l’objectif était d’élaborer un plan d’action visant l’adoption d’un comportement sécuritaire de pratique de l’hygiène des mains. Enfin, au niveau stratégique, j’ai participé à un comité d’amélioration continue (communément appelé « kaikaku ») regroupant le comité de direction de mon CIUSSS. L’objectif visait à améliorer les pratiques de l’organisation au bénéfice des patients.  Une implication pour laquelle je suis plutôt fière, depuis 9 ans, je suis co-animatrice d’un laboratoire avec des étudiants au Baccalauréat en ergothérapie « Gérer en partenariat avec le client et la famille ». Toutes ces expériences gratifiantes m’ont procuré un réel sentiment d’accomplissement. J’ajouterais même que cela m’a permis également d’améliorer mes compétences de soins. 

Patiente coach

Depuis 2017, j’agis à titre de patiente coach au sein de l’équipe de l’INESSS (Institut National d’Excellence en Santé et Services Sociaux) auprès de patients partenaires lors de la tenue d’ateliers réflexifs CoMPAS+, soit le Collectif pour les Meilleures Pratiques et l’Amélioration des Soins et services de première ligne pour les maladies chroniques et besoins complexes dans plusieurs régions du Québec, telles que la Mauricie Centre-du-Québec, le Bas-Saint-Laurent, la Montérégie, l’Est de l’Île de Montréal, Laval, bientôt le Saguenay–Lac-Saint-Jean et la Gaspésie. Mon rôle est de soutenir et d’encadrer les patients. En fait, je m’assure de les accompagner tout au long de l’exercice, mais également en amont lors de la formation préparatoire à l’atelier.  Puisqu’il peut arriver par moment que les patients se sentent moins interpellés par la nature plus technique ou administrative de certains sujets, c’est alors que mon intervention de coach prend toute sa dimension.  L’objectif étant que l’expérience soit positive autant pour les patients que les équipes de soins.   

Enfin, je contribue à titre de patiente coach aux travaux du comité de gouvernance clinique et je participe au projet de recherche en lien avec le programme Compas+. Pour moi, c’est une opportunité unique d’apporter ma contribution pour faire le pont entre les orientations stratégiques du ministère de la Santé et des Services sociaux, et les besoins réels des patients afin que le déploiement du programme CoMPAS+ sur le terrain se fasse de façon cohérente. 

Pour moi, il ne fait aucun doute que la perspective du patient est réellement une plus-value dans le sens qu’elle amène les professionnels de la santé à se reconnecter avec le sens profond de leurs fonctions et du même coup les aide à remettre en question leurs façons de faire afin d’améliorer les soins et services au bénéfice du patient. 

Pour nous les patients, c’est très souvent par les yeux de nos intervenants et professionnels que nous voyons qu’ils croient en nous quand nous n’y croyons plus, en fait, ils nous redonnent confiance en légitimant ce que l’on vit!  

C’est pourquoi mon implication prend alors tout son sens et j’essaie de faire la différence! 

Ce contenu a été mis à jour le 26 août 2019 à 10 h 53 min.

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