Portrait de patiente : Mado Desforges

Je vais vous raconter « mon histoire », mais vous pourriez fermer les yeux, et imaginer une grande partie des femmes atteintes d’un cancer du sein, à quelques variantes près, l’âge, la taille, l’origine ethnique, le tempérament ; mais pour le reste, nous nous ressemblons toutes.

J’étais sur le programme de dépistage… Et heureusement, car ma docteure de l’époque me disait depuis deux ans que ma douleur au sein n’était pas dangereuse. Quand on nous rappelle pour une mammographie anormale et qu’on nous envoie en écho, le doute s’installe, la peur aussi, mais on essaie de se raisonner au début.

La veille du diagnostic, j’ai informé mes trois fils de la possibilité d’un cancer. En pensant à eux, je ne voulais pas les alerter trop tôt et en pensant à moi, je ne voulais pas avoir à leur annoncer dans le plus fort de ma détresse ou de mon désespoir.

Quand on nous a fait entrer dans la salle d’examen, mon fils Vincent et moi, et qu’il y avait sur le pupitre un livre avec des photos de seins, je savais… Quand la docteure et l’infirmière sont entrées avec un porte-document, je savais… Quand elle m’a informée d’un cancer avec métastases aux ganglions, c’est devenu une RÉALITÉ, ma peur était justifiée.

Tout à coup, je n’étais plus rien, le monde autour de moi continuait de tourner, mais moi, je ne faisais plus partie de la parade parce que lorsqu’on pense au cancer, c’est la mort qui nous vient à l’esprit et non la guérison au premier abord.

Une semaine après le diagnostic, qui m’a paru un mois, j’avais une rencontre pour le plan de traitement. Le souvenir que j’en garde ? C’est vague. Il me semble qu’il y avait plusieurs personnes dans la salle, mais je ne me souviens que du Dr Leblanc; j’entends Grade 2 ( Je me dis « c’est pas 1, mais ce n’est pas 3 » ) HER2NEU pas concluant ( C’est quoi ça ? Il va falloir que je fasse des recherches ). Je vois que la personne qui m’accompagne ne prend pas de notes, ça me fait paniquer. J’ai malgré tout un bon souvenir de cette rencontre. Je suis ressortie de là avec la certitude que j’étais prise en charge, quoi demander de mieux dans la circonstance.

Ensuite, le TEP Scan, la chimio et les effets secondaires…Une copine qui était passée par là à qui je disais « je vais vivre cela une heure à la fois et elle de me répondre « quelquefois, ça sera une minute à la fois ». C’est tellement vrai et on est seule dans ces moments-là. La nuit suivant la 1e chimio, j’étais tellement malade que j’aurais voulu rendre l’âme, avec le reste ! J Tout ce que j’aurais manqué si c’était arrivé ! J

Si le programme PAROLE-Onco avait existé à l’époque, une patiente accompagnatrice, une personne qui a vécu la même chose aurait certainement permis de briser l’isolement face à la maladie dans lequel je me suis trouvée. Les proches sont souvent démunis et peu aidants. Même quand on a l’habitude de s’exprimer, le cancer nous coupe nos moyens, on est tellement vulnérables, on garde tout en dedans.

Après mes traitements, j’ai voulu « donner au suivant », j’ai accompagné des femmes que je sentais en détresse. Mon implication a pris diverses formes dans le réseau de la santé, patiente ressource, coach, formatrice, ainsi que patiente chercheure au programme PAROLE-Onco

Je suis également coordonnatrice du développement des activités de CROIRE, un organisme bénévole qui propose des activités complémentaires aux traitements médicaux aux personnes touchées par le cancer.

Le besoin d’accompagnement m’est devenu criant à côtoyer des patientes tellement démunies à la fois face à la maladie, mais aussi face au système de santé, particulièrement des femmes d’origines multiethniques.

Quel bonheur ce projet PAROLE-Onco, il procurera une légitimité à ces gestes que plusieurs patientes posent. Il permettra aux patientes accompagnatrices comme moi de transmettre ce qu’on a appris, et faire en sorte que ces personnes puissent, elles aussi, transmettre à son tour. Ainsi, cela permettra aux patients de devenir partenaires de leurs soins, de s’approprier cette tranche de vie pour la vivre le mieux possible.

 

Ce contenu a été mis à jour le 7 août 2023 à 15 h 58 min.

Commentaires

Laisser un commentaire