Portrait de patient : Sylvain Bédard
C’est à l’âge de 13 ans que j’ai appris que je souffrais de cardiopathie hypertrophique, une maladie génétique qui a emporté ma sœur d’une crise cardiaque, alors qu’elle n’était âgée que de 18 ans et en excellente forme physique.
À ce moment-là, le médecin m’a dit que je ne pourrais plus faire de sport et que je devrais éviter à l’avenir toute source de stress… Et j’ai fait exactement le contraire! En effet, je suis devenu technicien de scène, spécialiste en événements spéciaux, directeur technique de galas Juste pour rire. J’ai eu 5 enfants, tout en étant gestionnaire de projets et directeur de tournées!
On m’a m’installé un défibrillateur automatique implantable première génération en 1993, et plus tard, après plusieurs mois à souffrir d’angine et d’insuffisance cardiaque chronique, j’ai enfin ma première transplantation cardiaque en 2000. Après plus d’un an de réhabilitation, je reprends le travail en 2003 et je décide d’escalader le Mont Blanc à Chamonix en France.
Je deviens une curiosité médicale, car je suis le premier greffé du cœur canadien à atteindre le sommet. Ce fut toute une expédition, il y a d’ailleurs un documentaire présenté sur les chaînes Découverte et Discovery ! J’ai eu le plaisir de pouvoir escalader avec le Dr Michel White, mon médecin traitant. Nous avons découvert qu’en altitude, il y avait un phénomène de revascularisation des cellules… elles étaient tellement stimulées que j’aurais testé positif au Tour de France ! Je suis aussi le premier greffé cardiaque de l’histoire à passer la barre des 6000 mètres sur le Mont Sajama en Bolivie.
J’ai eu la chance de rencontrer de bons cliniciens tout au long de mon parcours de soins, qui ont considéré mon avis dans les discussions. Ce qui a été un baume sur les années plus difficiles, car à partir de 2014, j’ai souffert de rejet chronique et j’ai été remis sur la liste de transplantation, une situation plutôt pénible, j’avais l’impression de retourner à la case départ!
En 2016, un ami m’a contacté pour me dire qu’il avait vu un poste parfait pour moi au Centre d’excellence sur le partenariat avec les patients et le public (CEPPP) qui cherchait un patient impliqué dans ses soins pour coordonner des projets de partenariat au niveau national. Pour moi, le partenariat avec le patient est d’une évidence! C’est comme si toute cette expérience de vie prenait du sens soudainement. Il est tout à fait normal qu’on consulte le patient qu’on l’implique dans des décisions et des interventions qui concernent son propre corps.
Avec ce nouveau défi professionnel, ma contribution dépasse celle du témoignage sur mon expérience. Je suis notamment chargé de projet au Programme national de recherche en transplantation du Canada et de projets de santé numérique. Je favorise la mise en place de stratégies d’implication du patient, du recrutement à la consultation pour des projets de recherche, en passant par la création d’un guide d’implémentation des patients en recherche.
J’estime primordial de soutenir les chercheurs dans le choix des patients, avec une approche à l’instar de celle qu’on utiliserait pour recruter un nouveau membre dans son équipe; c’est important que le bon patient soit impliqué dans le bon contexte et d’éviter la fausse représentation.
Pour travailler en partenariat, il ne faut pas seulement chercher le « patient parfait », celui qui a eu une bonne expérience sur toute la ligne, il faut diversifier les points de vue, varier les expériences, accepter les opinions et expériences différentes si l’on veut améliorer le système de santé.
Quant à moi, je me sens une légitimité à représenter la voix du patient, je me base sur mes 39 ans d’expérience médicale, mais aussi sur celle des autres personnes que je côtoie, des informations que je collecte depuis toutes ces années, autant du côté des patients que des cliniciens.
Pour moi, le patient partenaire c’est comme un couple, c’est une relation qui s’entretient, on ne doit pas juste les solliciter de temps à autre, mais les tenir informés des activités, même s’ils ne sont pas impliqués directement par moments, selon les phases de développement des projets par exemple. Ainsi, les patients ne se sentent pas mis de côté, ils sont en mesure de comprendre qu’à telle étape du projet, leur implication n’est pas pertinente.
Un autre rôle important joué par les patients partenaires impliqués dans la recherche est le transfert de connaissance, c’est qu’ils osent souvent poser des questions compréhension de base de certaines disciplines que des collègues spécialiste n’oseront pas poser. De cette manière, tout le monde a la bonne information, la même mise à niveau de connaissance. Cela encourage les cliniciens ou chercheurs à vulgariser leurs connaissances pour le bénéfice de tous!
Ce contenu a été mis à jour le 28 octobre 2020 à 12 h 09 min.
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