En janvier 2013, j’ai eu un accident sur un banc de scie où je me suis grièvement blessé la main gauche. J’ai eu le petit doigt ainsi qu’une partie du pouce entièrement coupés, et une lacération importante sur le reste de mes doigts.
À la suite de mon accident, j’ai été admis au CEVARMU (Centre provincial d’expertise destiné aux personnes victimes d’une amputation traumatique ou nécessitant une revascularisation microchirurgicale d’urgence) pour ma réadaptation, qui a duré environ un an.
Pendant cette année, j’ai été confronté à plusieurs difficultés, notamment un choc post traumatique qui a mis du temps à être diagnostiqué et traité, ainsi qu’un sentiment de très fort de honte relié au fait que je me sentais responsable de ce qui m’arrivait, que cet accident était de ma faute. Également, suite à mon accident, je n’ai jamais été capable de retravailler avec un banc de scie. Étant ébéniste, j’ai dû me réorienter puisqu’il était impossible pour moi de continuer à exercer ce métier.
Vers la fin de mes traitements, l’équipe du CEVARMU m’a approché pour savoir si je souhaitais m’impliquer dans un nouveau programme, celui de «Patient ressource». Le projet consisterait à mettre en contact, dès leur hospitalisation, de nouveaux patients ayant un subi un accident similaire à celui d’anciens patients du centre de réadaptation, pour qu’ils puissent échanger sur cette expérience commune qu’ils partagent. Ainsi, ces nouveaux patients auraient la possibilité non seulement de parler de ce qu’ils traversent avec quelqu’un qui peut réellement les comprendre, mais également de ne plus éprouver le sentiment de vivre cette étape majeure de leur vie en étant «seul».
Je me souvenais très bien, à l’époque de mon accident, que c’était effectivement ce que j’aurais eu le plus besoin : pouvoir rencontrer quelqu’un «comme moi». Quelqu’un qui serait entré dans ma chambre d’hôpital et qui m’aurait dit : « Bonjour, j’ai vécu la même chose que toi, je comprends ce que tu traverses, je l’ai traversé moi aussi, mais regarde, un jour, ça va bien aller ».
Donc, lorsque le CEVARMU m’a proposé de devenir « cette personne-là » pour les autres patients, j’ai tout de suite accepté. Je me remémorais mon expérience et mes sentiments dans les premiers jours après mon accident et je comprenais l’énorme importance et l’impact positif que ce rôle-là pourrait avoir auprès des patients.
Le patient ressource : une co-construction entre les professionnels de santé et les patients
Au départ du projet, pour être en mesure d’établir ce qu’était un patient ressource (son rôle, ses responsabilités et quelles compétences il devait posséder), nous avons procédé à une série d’entretiens entre patients ressources et patients, que nous avons enregistrés et analysés par la suite.
Au début, les rencontres étaient très « instinctives »; c’est-à-dire qu’il n’y avait pas de direction ou d’instructions précises sur les façons de faire, quoi dire, etc. Celles-ci étaient avant tout exploratoires, avec pour objectif simplement d’échanger, partager, créer des liens, répondre à certaines questions que le patient pourrait avoir sur les étapes à venir après l’hospitalisation, les impacts de l’accident à long terme et de son avenir, etc., dans un langage non médical. Mais surtout, il s’agissait de redonner un peu d’espoir dans un moment aussi difficile.
À la suite de ces rencontres, avec les témoignages recueillis, les enregistrements audio et les divers échanges entre moi, l’équipe du CHUM et de recherche, nous avons pu faire ressortir certains thèmes récurrents et établir quel était pour nous le « champ d’action » du patient ressource, dans quels domaines l’intervention était la plus pertinente et quels étaient les point positifs qui ressortaient de ces rencontres. Également, cela nous a permis d’identifier les questions ou les sujets qui semblaient être d’une plus grande importance pour les patients. Ainsi, au fil des interventions, nous avons défini « l’identité » du patient ressource au CEVARMU.
C’est cette méthodologie qui nous a conduit à réellement comprendre, non seulement ce à quoi le patient ressource devait s’attendre et comment se préparer en vue de ce type d’intervention, mais aussi qu’elles étaient les attentes que les patients avaient envers ces échanges qu’on leur proposaient.
C’est donc en étroite collaboration, suite à nos échanges entre professionnels, gestionnaires, chercheurs et patients, et dans la reconnaissance des différents savoirs de chacun, que nous avons co-construit le projet du patient ressource au CEVARMU. C’est cette mise en commun de nos différentes expertises qui nous a permis de développer ce projet comme nous l’avons fait.
Depuis, j’ai toujours continué d’évoluer au coeur de ce projet en endossant, au fil du temps, différents rôles et responsabilités. Aujourd’hui, je poursuis mon engagement au CEVARMU à titre d’assistant de recherche dans le cadre d’une étude randomisée qui vise à documenter et évaluer les différences apportées par l’intervention du patient ressource sur différents aspects du parcours de soins des patients, notamment vis-à-vis son adhésion aux traitements, sa récupération fonctionnelle finale ainsi que la perception de son handicap.
Ce contenu a été mis à jour le 4 février 2019 à 5 h 11 min.
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