Mariée depuis 30 ans, je suis la mère de deux jeunes hommes de 28 et 30 ans. J’ai travaillé pendant 33 ans dans le domaine de l’éducation dans les Basses-Laurentides comme enseignante au secondaire et conseillère en formation scolaire, plus particulièrement auprès d’une clientèle adolescente.
En 2011, j’ai été diagnostiquée et opérée pour un cancer du sein, et j’ai commencé des traitements de chimiothérapie en 2012, pendant lesquels le Dr Ayoub m’a demandé de visiter le département, de faire une tournée pour donner mon avis sur l’organisation de l’accueil, des salles de traitements, de la pharmacie, etc. Rapidement, mes observations et ma façon de les communiquer – je n’étais pas là pour dire aux gens quoi faire, mais pour apporter mon regard de patiente et faire le constat de ce que je vivais-, m’ont valu une invitation à participer plus officiellement à des comités.
J’ai assisté ensuite à une réunion interdisciplinaire où on m’a demandé de parler de mon parcours et ce que les gens ont retenu m’a enchantée. Encore une fois, je n’étais pas là pour dire quoi faire, mais pour apporter le point de vue «patient» qu’ils ne voyaient pas. Ce fut mon premier contact d’implication où j’ai pu mettre à profit mon expérience de patiente.
Je me suis ensuite impliquée à l’Université de Montréal, dans le programme de formation à la collaboration interprofessionnelle et au partenariat patient. Ma participation à PAROLE-Onco s’est ajoutée, tout naturellement, car c’est un rôle que je jouais déjà dans mon réseau personnel depuis mon diagnostic. Accompagner une patiente, c’est donc naturel pour moi, car par le biais de mon réseau social, je recevais déjà des appels de gens qui connaissent des personnes atteintes de cancer et qui me demandaient si elles pouvaient me parler pour échanger sur ce qu’elles vivaient.
J’ai pu remarquer que ce sont toujours les mêmes questionnements qui reviennent sur le quotidien, le travail, la perception des autres, la famille, etc. Effectivement, avec un diagnostic, tu comprends que c’est toute ta vie qui va changer. Il faut trouver comment organiser son jardin, aller chercher des conseils, des exemples concrets, pour mieux anticiper ce qui s’en vient.
C’est à ce moment que le patient accompagnateur peut jouer un rôle très utile et différent de celui du professionnel. Il peut amener les patients récemment diagnostiqués à réfléchir, par exemple sur le fait de se mettre ou non en congé de maladie, à discuter de la situation globale, car le vécu est similaire pour être rassuré sur ce qui leur arrivent.
Pour moi, PAROLE-Onco permet de formaliser et de mettre sur papier par la recherche ce qui existe depuis toujours, le soutien entre patients, l’importance de partager son vécu qui peut être utile à d’autres qui vivent la même situation, à travers des discussions naturelles sur le quotidien. Car pour le savoir, il faut l’avoir vécu. C’est un sujet intime, il y a des personnes qu’il faut inviter parfois plusieurs fois, car elles peuvent avoir peur du jugement…«Mettre ses trippes sur la table», ce n’est pas évident.
Je crois que PAROLE-Onco peut aider aussi bien les personnes plus démunies qui n’ont pas de réseau de contacts que celles qui en ont, parce qu’on ne parle pas toujours de ses problèmes de santé dans sa famille. D’ailleurs, il y a des patientes qui parlent de leur expérience avec moi, uniquement parce qu’elles savent que je l’ai vécu, le lien de confiance est important.
Je m’estime très chanceuse, car je suis bien entourée et je suis capable de communiquer, c’est ce qui m’a permis de redonner aux autres et de m’impliquer comme patiente. J’ai aussi mis mes compétences professionnelles à profit. Moi, j’aime faire le tour des unités de soins, être en contact avec le terrain pour évaluer si les changements sont bien mis en place, si ça marche, constater ce qui manque ou ce qui fait obstacle à ce que ça marche. Il faut dire que j’ai une expertise que j’avais pu développer dans un contexte professionnel en logistique et dans la vérification de la fluidité des processus. Mais chaque patient accompagnateur a ses qualités, sa personnalité qu’il va utiliser dans sa démarche de patient accompagnateur.
Les patients peuvent apporter une vision unique au réseau de la santé et réellement contribuer à améliorer les soins et les services, mais je constate que c’est parfois fragile dans les organisations : le mouvement de personnel et la lourdeur du système à laquelle on est parfois confrontés… Mais depuis mes débuts en 2012, je remarque une plus grande ouverture à la contribution des patients dans le réseau de la santé, c’est bon signe! Le sentiment d’utilité est très important pour le patient accompagnateur, on a besoin de soutien et de rétroaction, les résultats concrets, c’est notre paie!
Moi je suis à la retraite, mais j’ai encore le feu sacré et j’aimerais en faire profiter d’autres patients!
Ce contenu a été mis à jour le 7 août 2023 à 15 h 58 min.
Commentaires